La secrétaire d’État Emmanuelle Wargon a pu juger samedi du fossé qui sépare les plaisanciers et ostréiculteurs des écologistes et gestionnaires du banc d’Arguin La bataille d’Arguin n’est pas terminée. Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique, a pu mesurer l’ampleur du désaccord qui persiste entre les acteurs locaux sur la réserve du banc d’Arguin. Samedi matin dans un café du Moulleau à Arcachon, la tension n’est pas montée autour de la table, mais elle était aussi palpable que la pluie du jour. Ce banc de sable de plusieurs kilomètres à l’entrée du bassin d’Arcachon n’attire pas que les oiseaux. Il est le rendez-vous estival des plaisanciers, des touristes qui prennent les navettes de l’UBA (union des bateliers), des ostréiculteurs pour lesquels le nom d’Arguin est un atout marketing et un gage de qualité. Mais il est surtout une réserve naturelle sur laquelle la Sepanso, son gestionnaire, « préserve un sanctuaire de la nature », a résumé hier la députée du bassin d’Arcachon Sophie Panonacle. Rupture dans le compromis Seulement voilà… un décret de 2017, le dernier en date, réglemente cette réserve. Il a agrandi la zone de protection et fixé à 45 hectares la zone réservée aux ostréiculteurs (sur 4 300 hectares). Un décret déjà refusé par les élus concernés à l’époque. Le maire de La Teste Jean-Jacques Eroles l’a rappelé samedi matin : « C’était une rupture trop forte dans la recherche du compromis. Et il y a eu un manque de concertation ». Le premier adjoint d’Arcachon, Daniel Philippon, a relayé la position du maire Yves Foulon, pour qui le décret « pénalise les activités traditionnelles du bassin d’Arcachon ». Une position d’autant plus affirmée qu’un dernier arrêté préfectoral de juin, qui complète le décret, a encore réduit la zone interdite au public et limité les possibilités
de mouillage pour les plaisanciers. Ces derniers ont protesté, répétant à nouveau leurs arguments à la secrétaire d’État. Joël Confoulan, président de la Confédération des associations d’usagers du bassin d’Arcachon (Cau’barc) affirme que « pénaliser la plaisance c’est pénaliser une activité qui représente plus de 1 000 emplois », déplorant au passage « un report vers l’île aux oiseaux » au détriment de la biodiversité sur ce site. Claude Mulcey pour les plaisanciers et pêcheurs est sur la même ligne. Quant à Thierry Lafon, président du comité régional conchylicole, il ne veut pas que sa profession soit chassée par les herbiers de zostères. Il rappelle que « l’homme fait aussi partie de la biodiversité ». Face à eux, les écologistes se font entendre. Le conservateur de la réserve rappelle qu’elle est l’un des rares sites protégés pour les oiseaux migrateurs. Le conseiller régional Vital Baude estime que « l’on fait face à un effondrement de la biodiversité et que les activités de loisirs ne pourront plus se faire comme avant ». Patrick du Fau de la Mothe, vice-président de Coordination environnement bassin d’Arcachon, souligne que « la réserve d’Arguin est une exception puisque beaucoup d’autres sont complètement interdites aux activités humaines ». Pour lui, « la question des conflits d’usages ne se pose pas sur une réserve, seule compte la protection de la biodiversité ». Dans le rôle du juge de paix, Emmanuelle Wargon, réaffirme cependant la priorité énoncée par Patrick du Fau de Lamothe : protéger la biodiversité. Les plaisanciers le comprennent : ils n’auront pas gain de cause et s’ils conservent les possibilités actuelles d’accès au banc d’Arguin, ils pourront s’estimer heureux. « La question de la plaisance ne doit pas être traitée sur le banc d’Arguin, mais à l’échelle du Bassin, il faut voir ce qui est acceptable pour le milieu ou non », dit-elle. Et elle ajoute concernant les ostréiculteurs : « Je crois que nous pourrons concilier une activité économique ostréicole et la protection de l’environnement. Il faudra peut-être déplacer les parcs, mais je pense que l’on pourra conserver les 45 hectares ». Une réunion ce lundi à la sous-préfecture d’Arcachon devrait confirmer les propos de la Secrétaire d’État. En chiffres 1972 Date de création de la réserve naturelle du banc d’Arguin. Il se trouve en face de l’entrée du bassin d’Arcachon, entre la dune du Pilat et la pointe du Cap-Ferret. 2017 Date du décret signé par Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement. Il a étendu la réserve et modifié la réglementation. 4 Nombre de kilomètres en longueur de ce banc, même s’il change régulièrement, pour 2 kilomètres environ de largeur. Un autre banc appelé le Toulinguet se trouve plus au nord et il est inclus dans le périmètre de la réserve, mais il est bien plus petit. 45 Nombre d’hectares sur le banc d’Arguin réservés à l’ostréiculture dans le décret de 2017. Il faut savoir que le banc d’Arguin a une taille de 4 360 hectares environ.
Ils réclament un nouveau gestionnaire La demande a été répétée plusieurs fois à la secrétaire d’État. L’idée est simple : changer de gestionnaire pour la réserve afin de limiter les conflits. Pourquoi ? La réserve du banc d’Arguin est gérée aujourd’hui pour le compte de l’État par la Sepanso, qui est la fédération régionale des associations de protection de la nature de la région Aquitaine. La Sepanso est chargée d’appliquer la politique de l’État sur ce banc de sable, autrement dit la protection de la biodiversité. Mais en 2014, l’État a aussi créé le Parc naturel marin du bassin d’Arcachon, dans le cadre d’une stratégie nationale pour la biodiversité. Le Parc est surtout une instance dans laquelle tous les acteurs locaux siègent et pas seulement la Sepanso et l’État. Mais il ne donne sur Arguin, et d’autres sujets, que des avis, sans réel pouvoir. Le président du Parc naturel marin, le maire de Teich François Deluga, avait d’ailleurs protesté en juillet dernier contre les arrêtés préfectoraux de juin qui étendent la zone de protection intégrale du banc – interdite d’accès au public, alors qu’il menait une médiation sur le sujet. François Deluga avait parlé d’une « opération de sabotage des services de l’État ». Dimanche, le maire de La Teste Jean-Jacques Eroles et le premier adjoint d’Arcachon, Daniel Philippon, ont demandé que la gestion du banc d’Arguin passe au Parc, ainsi que les associations de plaisanciers, de marins, de pêcheurs, et le représentant des ostréiculteurs. À l’inverse, Patrick Du Fau de Lamothe, pour la coordination d’associations environnementales Ceba, ne voit pas pourquoi « la Sepanso ne gérerait plus une réserve qui relève de la loi et d’une volonté nationale ». Quant à Philippe Barbedienne directeur de la Sepanso, il a rappelé que n’importe quel gestionnaire devrait « de toute façon appliquer la politique de l’État ». La secrétaire d’État n’a évidemment pas annoncé un changement de gestionnaire, mais a fait un petit pas dans la direction du Parc naturel marin pour l’associer davantage aux prochaines réunions, comme un partenaire.

Liens : http://www.gironde.gouv.fr/Politiques-publiques/Mer-littoral-et-securite-maritime/Navigation-de-plaisance/Reglementation-de-navigation

Réglementation navigation bassin (arrêté préfectoral du 20 juin 2014)

Réglementation île aux oiseaux (arrêté préfectoral du 4 juillet 2017)